Vous connaissez peut-être ce sentiment, mélange d’étonnement et de satisfaction, qui vous gagne quand vous découvrez qu’une de vos petites manies du quotidien, un peu désuète, un peu décalée, un peu étrange, est partagée par d’autres ? C’est ce sentiment que j’ai éprouvé récemment en échangeant avec un manager que j’accompagnais. Son plan de développement intégrait en effet une initiative insolite pour un jeune manager de la tech : transformer sa to-do list numérique en to-do list manuscrite. Une pratique « dinosauresque » à l’heure du tout digital, consistant à sortir chaque matin ses stylos, ses surligneurs et une feuille de papier vierge pour coucher par écrit les actions à mener, indiquer des priorités et organiser leur mise en œuvre. A l’image de Pénélope défaisant chaque nuit la tapisserie qu’elle avait tissée pendant la journée, ce manager se proposait de reprendre de zéro sa liste tous les matins, au vu des évolutions de son contexte et de l’avancement de ses projets.

A part s’assurer que l’on sait toujours écrire, quel intérêt me direz-vous ? C’est justement ce que nous nous sommes demandé avec ce manager, cherchant sans doute à justifier notre vice commun par la première explication rationnelle venue.

Nous avons abouti à l’explication suivante : utiliser l’écriture manuscrite plutôt que le clavier pour actualiser sa to-do list nous amène à passer de ce qu’Eric Albert appelle « le pilote automatique » au « pilote conscient ». Sur ordinateur, la tentation d’un copier/coller, d’une lecture en diagonale des tâches déjà listées ou encore d’un ajout rapide d’une nouvelle tâche sans la questionner est grande. On gère sa to-do list machinalement, sans se poser nécessairement les bonnes questions. Reprendre le travail de zéro chaque matin sur un papier vierge, c’est se mettre en position d’acteur de sa journée. C’est prendre du recul sur l’organisation de sa charge de travail. C’est s’assurer que les priorités sont claires. C’est s’éviter les intrusions lancinantes, tout au long de la journée, de pensées sur ce qu’il ne faudra pas oublier de faire. C’est poser les quelques jalons qui permettent de garder le cap dans le tourbillon des mails et des réunions. C’est prendre les 5 ou 10 minutes qui nous permettront de gagner plusieurs heures.

Un dernier conseil avant de conclure ce plaidoyer rétrograde : n’hésitez pas à intégrer les tâches personnelles dans votre to-do list, car elles ne manqueront pas de frapper à la porte de votre cerveau à tout moment de votre journée de travail. Autant les mettre alors à la place qui leur convient : sur la liste ! De là à penser que cet outil peut également contribuer à votre équilibre vie privée-vie professionnelle…

Olivier Goulay, TAILOR H